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Article 39 : Pourquoi la retraite chapeau est (presque) interdite aujourd’hui ?

Benoît Fruchard

Posté par

Benoît Fruchard

Mis à jour le

23 juin 2025

Sommaire

    Le contrat de retraite chapeau, également connu sous le nom d’Article 39, est un dispositif de retraite supplémentaire destiné principalement aux cadres dirigeants. Ce régime à prestations définies, entièrement financé par l’employeur, garantit un complément de retraite dont le montant est fixé à l’avance. La retraite chapeau a souvent défrayé la chronique pour ses excès. Ces abus ont conduit à une réforme en 2019. Alors, qu’en reste-t-il ? Est-il toujours possible d’en bénéficier ? Je vous explique tout !

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    C’est quoi, exactement, l’Article 39 ?

    Le contrat article 39, souvent appelé retraite chapeau, est un ancien dispositif de retraite supplémentaire (créé après la Seconde Guerre mondiale) réservé à certains salariés, en particulier les cadres dirigeants.

    Ce régime fonctionne selon le principe des prestations définies, c’est-à-dire que l’entreprise s’engage à verser au salarié, lors de son départ à la retraite, une rente viagère dont le montant est prédéterminé à l’avance. Ce montant peut représenter un pourcentage du dernier salaire (ex. : 70 %) et vient compléter les pensions obligatoires (par exemple de la CNAV). Ces conditions auront été négociées au préalable par le cadre dirigeant.

    Concrètement, cela se traduit par les particularités suivantes :

    • Tout est financé par l’entreprise, le salarié ne cotise pas ;
    • Aucune épargne individuelle n’a été mis en place, c’est un engagement de l’entreprise de verser une somme définie.

    L’entreprise promet donc à certains salariés de maintenir leur niveau de vie à la retraite en leur versant un revenu supplémentaire. C’est un engagement fort, mais aussi coûteux et risqué pour l’entreprise, et souvent incompris (notamment lors de mauvaises performances) ce qui a conduit à sa réforme.

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    Qui peut (ou pouvait) bénéficier d’un contrat article 39 ?

    Le contrat article 39 n’est pas ouvert à tous les salariés. Il est réservé à certaines catégories précises, souvent les cadres supérieurs ou dirigeants, choisis par l’employeur selon des critères strictement définis.

    Les bénéficiaires classiques

    Parmi les principaux bénéficiaires, on retrouve par exemple :

    • Les cadres et cadres dirigeants,
    • Les salariés dont la rémunération dépasse un certain seuil,
    • Les profils à haute responsabilité ou qui ont une expertise rare.

    L’entreprise devait respecter les règles du Code de la Sécurité sociale pour définir ces catégories, en utilisant l’un des cinq critères dits « objectifs » (rémunération, classification, fonction, etc.). L’adhésion était obligatoire pour les salariés visés (qui auraient tort de s’en priver).

    Le régime n’est pas individualisable : il s’applique à une catégorie entière et non au cas par cas. Les autres salariés de l’entreprise ne peuvent pas demander à en bénéficier.

    Les bénéficiaires dirigeants

    Les mandataires sociaux (PDG, DG, présidents de SAS…) bénéficient aussi de l’article 39, sous conditions :

    • S’ils remplissent les critères objectifs,
    • Et si le régime a été validé par les instances dirigeantes (CA, AG…).

    C’est pour cette catégorie que des abus ont été relevés, ce qui a emmené à la réforme de 2019.

    Pourquoi l’ancienne retraite chapeau est (presque) interdite aujourd’hui ?

    Jusqu’en 2019, les contrats article 39 permettaient aux entreprises de garantir une rente retraite à certains salariés… à condition qu’ils terminent leur carrière dans l’entreprise. Ce qu’on appelle un régime à droits aléatoires : si le salarié partait avant la retraite, il perdait tout.

    Ce modèle a fait l’objet de nombreuses critiques : montants faramineux, manque de transparence, effets de seuil, inégalités entre salariés. En réponse, l’État a durci drastiquement les règles.

    Voilà quelques retraites-chapeaux qui ont défrayé les chroniques :

    • GDF-Suez a provisionné 21 millions d’euros en 2014 dans ses comptes pour la retraite chapeau de son ancien PDF Gérard Mestrallet ;
    • L’ancien dirigeant de PSA (Stellantis), Philippe Varin, touche 299 000 € par an.
    • Lindsay Owen-Jones, ancien patron de L’Oréal touche 280 000 € par an.
    • Tom Enders, ancien président d’Airbus, a bénéficié d’un parachute dorée de plus de 36 millions d’euros dont notamment 900 000 € par an de retraite chapeau.

    Ce que la loi a changé en 2019

    L’ordonnance du 3 juillet 2019 a profondément modifié le contenu de l’article :

    • Interdiction de toute nouvelle adhésion depuis le 4 juillet 2019.
    • Fin de l’acquisition de nouveaux droits depuis le 1er janvier 2020.
    • Les anciens bénéficiaires peuvent conserver leurs droits… à condition de finir leur carrière dans l’entreprise.

    Article 39 nouvelle formule 

    Depuis cette réforme, il est encore possible de créer un contrat à prestations définies, mais avec des droits acquis annuellement, sans condition de présence jusqu’à la retraite.

    C’est ce qu’on appelle parfois le nouveau « article 39 à droits acquis ». Il est strictement encadré :

    • Les droits sont portables (c’est-à-dire que si vous changez d’entreprise, vous pourrez en bénéficier),
    • Le cumul est plafonné à 30 % de la rémunération,
    • Et le régime est soumis à une contribution sociale spécifique de 29,7 %.

    En résumé

    L’ancienne retraite chapeau est quasiment interdite mais une version très encadrée peut encore être mise en place. Dans les faits, très peu d’entreprises utilisent ce nouveau format.

    Depuis 2010, 84 % des bénéficiaires perçoivent moins de 5 000 € par an et seulement moins de 50 bénéficiaires perçoivent plus de 300 000 € par an.

    Exemples de l’article 39 avant et après 2019

    Avant 2019

    Jean-Pierre, directeur industriel dans une grande entreprise, est affilié à un contrat article 39 mis en place en 2008. Ce contrat prévoit que s’il termine sa carrière dans l’entreprise, il touchera une rente égale à 20 % de son dernier salaire brut.

    • Il reste dans l’entreprise jusqu’à son départ à la retraite en 2025.
    • Salaire brut annuel en fin de carrière : 150 000 €
    • Rente promise : 20 % × 150 000 € = 30 000 € par an (soit 2 500 € par mois)

    Puisqu’il a achevé sa carrière dans l’entreprise, Jean-Pierre bénéficie de la totalité de sa retraite chapeau. En revanche, s’il était parti en 2024, même à un an de la retraite, il aurait perdu tous ses droits (car conditionnés à sa présence au jour de la retraite).

    En cumulant sa retraite acquise (5 000 € par mois), sa retraite chapeau (2 500 € par mois) et ses revenus immobiliers (2 000 € après fiscalité par mois), Jean-Pierre va bénéficier d’une retraite très confortable.

    Après 2019

    Sophie, directrice juridique, est bénéficiaire d’un contrat article 39 à droits acquis mis en place en 2020. Ce contrat prévoit l’attribution de 2 % de sa rémunération annuelle en droits retraite chaque année, dans la limite de 30 %.

    • Salaire annuel brut : 100 000 €
    • Chaque année, elle acquiert : 2 % × 100 000 € = 2 000 € de droits
    • En 2025, elle a 10 000 € acquis

    Si elle quitte l’entreprise, elle conservera intégralement ses droits acquis. L’entreprise peut ensuite transférer ces droits vers un PER à prestations définies, où la rente sera servie à la retraite. Cela lui permettra de toucher un peu plus de 800 € par mois en plus de sa retraite.

    Résumé des différences

    AspectArticle 39 avant 2019Article 39 après 2019
    Condition de présenceObligatoire jusqu’à la retraiteNon nécessaire
    Perte en cas de départTotaleAucune (droits conservés)
    Risque pour le salariéTrès élevéSécurité renforcée
    Complexité pour l’entrepriseMoyenne à forteForte (règles strictes, plafond, suivi DSN)

    Explication du régime additif vs le régime différentiel

    Le contrat article 39 pouvait prendre deux formes principales, selon le type d’engagement pris par l’entreprise : le régime additif ou le régime différentiel, voir un mixte entre les deux régimes. Dans les deux cas, il s’agissait d’une rente versée à vie lors du départ à la retraite.

    Le régime additif : un supplément fixe garanti

    L’entreprise promet un complément de retraite fixe, indépendant du niveau de retraite obligatoire (Sécurité sociale + complémentaire).

    Par exemple l’entreprise garantit 8 % du dernier salaire brut sous forme de rente. Peu importe le montant de la retraite légale, le salarié touche cette rente en plus.

    L’avantage principal de se dispositif, c’est qu’il permet d’avoir une visibilité dès le départ de sa mise en place du montant qui sera touché. Le problème pour l’entreprise est que cela peut être très coûteux, durant très longtemps.

    Le régime différentiel (la « vraie » retraite chapeau)

    Avec ce dispositif, l’entreprise vise un taux global de remplacement (par exemple, 70 % du dernier salaire). Elle va donc combler l’écart entre ce taux cible et la retraite légale.

    Par exemple, si le salarié part avec une retraite qui correspond à 45 % de son salaire et que le contrat article 39 prévoit un taux cible de 70 %. L’entreprise va donc verser donc 25 % du salaire sous forme de rente.

    Le régime mixte

    Un régime mixte était aussi parfois mis en place avec un complément fixe et un plafond global à ne pas dépasser (par exemple, un maximum de 70 % du salaire).

    Que deviennent les anciens contrats ?

    Depuis la réforme de 2019, plus aucun ancien contrat article 39 ne peut être ouvert, mais les dispositifs déjà en place avant cette date peuvent encore produire leurs effets… selon certaines conditions.

    Pour les anciens salariés affiliés avant 2019

    Les droits acquis peuvent être conservés, à condition de terminer leur carrière dans l’entreprise.

    • Si le salarié reste jusqu’à la retraite, il touche bien la rente prévue.
    • En revanche, un départ anticipé (démission, mobilité, etc.) entraîne la perte des droits conditionnels (sauf quelques exceptions que je détaille plus bas).

    Pour les nouveaux salariés

    Même si l’entreprise avait un contrat actif :

    • Aucun nouveau salarié ne peut être affilié depuis le 4 juillet 2019.
    • Aucune acquisition de droits conditionnels n’est possible après le 1er janvier 2020.

    Il est donc aujourd’hui trop tard pour en bénéficier.

    Les exceptions des contrats avant 2019

    Certains anciens contrats prévoient le maintien du droit à rente dans l’un des cas suivants :

    • Licenciement après 55 ans, sans reprise d’activité,
    • Invalidité (catégorie 2 ou 3),
    • Préretraite ou décès (avec pension de réversion prévue).

    Quelle est la fiscalité de la retraite chapeau ?

    Le contrat article 39 présentait des avantages fiscaux et sociaux très puissants, en particulier pour le salarié. Mais ces avantages s’accompagnent de contributions spécifiques pour l’entreprise.

    Pour l’entreprise

    • Les cotisations versées sont déductibles de l’impôt sur les sociétés.
    • Elles sont soumis à une contribution spécifique, qui peut monter jusqu’à 29,7 % des sommes versées (en lieu et place des cotisations sociales classiques).
    • L’employeur doit aussi notifier chaque année les bénéficiaires dans la DSN.

    Pour le salarié

    À la sortie, le contrat est intéressant car la rente est imposée comme une pension de retraite. Elle est soumise à l’impôt sur le revenu après l’abattement de 10%. Elle sera aussi soumises aux taxes suivantes :

    • CSG (8,3 %)
    • CRDS (0,5 %)
    • CASA (Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie) (0,3 %)
    • Cotisations maladie (1 %).

    Et à une contribution sociale spécifique dont le pourcentage diffère en fonction du montant de rente et de l’année de celle-ci. En 2025, cela sera ainsi :

    • Fraction de rente inférieure à 517 € par mois : exonération 
    • Fraction de rente comprises entre 517 € et 776 € par mois : Taxation à 7 %
    • Fraction de rente supérieure à 776 € par mois : Taxation à 14 %

    Retraite chapeau, toujours intéressante en 2025 ?

    Avec la réforme de 2019, le contrat article 39 a perdu une partie de ses avantages initiaux. Les rentes sont désormais plafonnées, le rachat d’années supprimé, et le cadre juridique beaucoup plus strict.

    Cependant, le nouveau contrat article 39 offre toujours des avantages qui sont les suivants : 

    • Les droits sont acquis même si vous quittez l’entreprise avant la retraite, par exemple en cas de changement de carrière ou de faillite de l’entreprise.
    • En cas de décès, les droits peuvent être transférés à vos bénéficiaires désignés.
    • Le montant de la rente est connu à l’avance.
    • Le régime est entièrement financé par l’employeur, et vous êtes exonéré d’impôt sur les versements pendant la phase d’épargne.

    En conclusion, même si l’article 39 n’est plus le jackpot qu’il était autrefois, il demeure un outil avantageux pour les entreprises et leurs cadres supérieurs !

    Quelles sont les principales alternatives aujourd’hui ?

    Il existe d’autres solutions plus utilisées qui sont aujourd’hui utilisées :

    Le PER collectif (PERCOL)

    • Un outil souple et moderne, accessible à tous les salariés,
    • Il est alimenté par l’intéressement, la participation, ou des versements volontaires,
    • La sortie est possible en capital ou rente à la retraite,
    • La portabilité est totale en cas de départ.

    Contrat article 83 (cotisations définies)

    • Un ancien régime encore en place dans certaines entreprises,
    • L’entreprise cotise pour une rente future, au nom du salarié,
    • Les sommes sont individuellement acquises et non perdues en cas de départ de l’entreprise.

    PER (Plan Épargne Retraite) individuel

    • Solution idéale pour les indépendants ou les salariés souhaitant compléter eux-mêmes leur retraite,
    • Les versements sont 100 % volontaires,
    • La fiscalité très avantageuse si déductions à l’entrée,
    • La sortie est libre, soit en capital, en rente ou un mix. Personnellement je recommande la sortie en capital fractionnée.

    En résumé

    DispositifType de droitsSortie possiblePortabilitéFinancement
    Article 39 (droits acquis)Prestations définiesRente uniquement✅ OuiEmployeur uniquement
    PER d’entreprise collectif (PERCOL)Droits certainsCapital ou rente✅ OuiEmployeur + salarié
    Article 83Cotisations définiesRente uniquement✅ OuiEmployeur (souvent obligatoire)
    PER individuelÉpargne volontaireCapital ou rente✅ OuiSalarié / indépendant
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    L'auteur
    Photo Benoît Fruchard

    Benoît Fruchard

    Fondateur de Cleerly - Conseiller en gestion de patrimoine

    Benoît Fruchard est passionné de finances personnelles depuis son plus jeune âge. Après une licence d'économie à l'Université de Nantes puis un Master à l'Université de Bordeaux, il rentre en école de commerce à Rouen. Il a travaillé 2 ans au sein de la BNP Paribas puis 5 ans chez un courtier en ligne. En 2021, il a créé Cleerly, un cabinet en gestion de patrimoine et un site pour démocratiser les finances personnelles... en savoir plus

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