Toute succession se fait selon les règles établies par la loi. Et pour bien comprendre comment fonctionne une succession, il convient de connaître le lexique qui y est rattaché. Réserve héréditaire, quotité disponible, dévolution successorale… Autant de termes qui peuvent être mélangeants si vous n’êtes pas un spécialiste du droit des successions. Qu’est-ce qu’un « héritier réservataire » ? Qu’est-ce que la réserve ? Comment se calcule-t-elle ? Et qu’en est-il de la « quotité disponible » ? Voyons tout cela ensemble !
Sommaire
Héritier réservataire : définition
Une succession obéit à des règles spécifiques, posées par la loi. En vertu de celle-ci, certains héritiers sont « réservataires » : ils ont droit à une part incompressible de la succession du défunt. On parle de « réserve héréditaire ». La loi vise à ce que le patrimoine soit partagé au maximum au sein de la famille de la personne décédée.
La part d’un héritier réservataire est définie dans le Code Civil. Pour ce dernier, il s’agit de « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent ».
La réserve héréditaire est donc une sorte de protection. Certains héritiers ne peuvent pas être déshérités (écartés de la succession). On distingue la réserve héréditaire de la « quotité disponible ». Cette dernière correspond à la fraction du patrimoine d’une personne dont elle pourra disposer librement. Nous y reviendrons.
Précisons que l’on peut être héritier réservataire par « représentation ». Prenons l’exemple d’un enfant du défunt, qui est de base héritier réservataire. S’il est « prédécédé » au décès de son parent, alors ce seront ses enfants à lui (et donc les petits-enfants du défunt) qui récupéreront sa part.
Dernière chose : on peut très bien renoncer à sa réserve héréditaire. Cela se fait devant notaire via un acte authentique, nécessairement du vivant de la personne dont on est héritier. Cela permet de faire marcher le mécanisme de la représentation (et donc de favoriser ses enfants).
Qui sont les héritiers réservataires et non réservataires ?
Les parents, enfants, frères et soeurs, neveux… sont-ils des héritiers réservataires ?
La règle est posée par le Code Civil. Ce sont les enfants qui sont héritiers réservataires (article 913). S’ils sont prédécédés, il s’agit de leur descendants (913-1 du Code Civil) via le mécanisme de représentation. Et si la personne défunte n’avait pas d’enfants du tout, ce sera le conjoint survivant qui sera héritier réservataire (article 914-1 du Code Civil).
La « dévolution légale » se fait selon un principe d’ordre des héritiers. Voici le tableau de l’ordre des héritiers :
Rang | Héritiers |
---|---|
1 | Enfants et descendants |
2 | Parents et frères et soeurs (ascendants et collatéraux privilégiés) |
3 | Ascendants ordinaires |
4 | Collatéraux, autres que les frères et soeurs |
Pour rappel, seuls les enfants sont héritiers réservataires. Et à défaut d’enfants, ce sera le conjoint survivant.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous ces héritiers ne « touchent » pas nécessairement quelque chose. Au premier rang, on trouve les enfants et leurs descendants. S’il y en a, ils récoltent « tout ». Chaque rang exclut donc les suivants. On ne passe au deuxième rang qu’en l’absence d’enfants ou de représentant des enfants. Et ainsi de suite.
Les « premiers » héritiers réservataires : les enfants
Nous l’avons dit, les enfants du défunt sont ses héritiers réservataires. Cela vaut pour « tous » les enfants : enfants d’un premier lit, enfants du couple marié, enfants adultérins… La loi ne fait pas de distinction. Tous sont réservataires.
Selon le nombre d’enfants, la réserve héréditaire n’est pas la même (et, de fait, la quotité disponible, dont la personne peut disposer librement) non plus.
Nombre d’enfants | Réserve | Quotité disponible |
---|---|---|
1 | 1/2 | 1/2 |
2 | 2/3 | 1/3 |
3 ou plus | 3/4 | 1/4 |
Si le défunt avait un enfant, ce dernier recueillera la moitié de la succession, au titre de sa réserve héréditaire. Le défunt pourra donc avoir disposé de l’autre moitié comme bon lui semble. S’il y a deux enfants ou plus, ils se partageront la réserve héréditaire à parts égales (1/3 chacun, par exemple, s’il y a deux enfants).
Nous le verrons juste en dessous, mais s’il y a des enfants et un conjoint survivant, ce dernier aura droit à une part spéciale, sans toutefois être héritier réservataire lui-même.
Rappelons que si l’un des enfants du défunt est prédécédé, ce seront ses enfants qui viendront en représentation, et qui prendront donc sa part dans la succession.
Voyons enfin le cas des enfants adoptés. On distinguera ici :
- L’adoption simple : l’enfant est héritier réservataire de ses parents adoptifs et de sa famille d’origine. Il n’est en revanche pas héritier des grands-parents de sa famille adoptive.
- L’adoption plénière : l’enfant est réservataire à part entière de sa famille adoptive. Il ne l’est en revanche pas du tout de sa famille d’origine.
Le conjoint survivant : quels droits d’héritier réservataire ?
En France, le conjoint survivant est héritier « automatique » de son époux décédé. Il n’est en revanche héritier réservataire qu’en l’absence d’enfants. Ses droits dépendent donc :
- Du fait que l’époux décédé avait des enfants,
- Du régime matrimonial (de base : communauté réduite aux acquêts).
Si le défunt avait des enfants, la succession sera partagée entre ces derniers et le conjoint survivant. On fera toutefois une distinction, selon que les enfants soient communs au couple ou non :
- Si les enfants sont communs au couple, le conjoint survivant aura droit à 1/4 de la succession en pleine propriété ou la totalité en usufruit. Les enfants se partageront le « reste » à parts égales (la nue-propriété de l’ensemble des biens du défunt, ou les 3/4 en pleine propriété).
- S’il y a des enfants d’un autre lit, le conjoint survivant n’a pas le choix : il aura droit au quart de la succession en pleine propriété. Il ne pourra opter pour la totalité en usufruit.
Si le défunt n’était pas marié (ou divorcé), les enfants recueilleront 100 % de ses biens. Le fait que le défunt était pacsé ou en concubinage à son décès n’a aucun impact sur la succession. Le partenaire pacsé n’est pas héritier légal. Seul un testament peut lui conférer ce droit.
Si le défunt n’avait pas d’enfants, le conjoint survivant recueillera 100 % de la succession si les parents du défunt étaient déjà décédés. Dans le cas contraire, le conjoint survivant aura droit :
- Aux 3/4, s’il reste un parent (ce dernier aura 1/4),
- À la moitié, s’il reste les deux parents (ces derniers auront droit à l’autre moitié).
Comment est calculée la part réservataire ?
On l’a vu, la réserve héréditaire dépend de la composition familiale. Les règles diffèrent selon que le défunt avait ou non des enfants, un lien matrimonial…
La réserve n’est donc pas fixe : elle varie selon les cas (1/2, 2/3…). Elle ne peut, en revanche, être contournée. Le défunt ne peut pas avoir légué 100 % de son patrimoine à un ami, par exemple, s’il a des enfants ou un conjoint. On ne peut pas déshériter ses enfants en France.
Reste que cela arrive quand même, parfois. Le cas échéant, les héritiers réservataires ont un droit de recours. Ils peuvent introduire une action en réduction pour atteinte à la réserve. Le but est simple : récupérer ce qui leur est légalement dû.
Un héritier réservataire qui se sent lésé peut donc saisir le juge en invoquant le droit au respect de sa réserve.
Le but de cette action est simple : remettre les choses en ordre, si des libéralités (donations réalisées par le défunt de son vivant) excèdent la « quotité disponible ». Les règles de la réserve héréditaire entendent protéger les enfants (ou le conjoint survivant, à défaut). On ne peut pas en faire fi, et léguer 100 % de son patrimoine librement.
Qu’est-ce que la quotité disponible ?
Chacun peut disposer librement d’une partie de son patrimoine. Il est possible, dans certaines limites, de donner, de son vivant ou à la succession, à une personne qui n’est pas héritière. On peut par exemple faire un don à un ami, le désigner dans son testament…
La limite est toutefois la suivante : un héritier réservataire ne peut pas être lésé par une donation consentie du vivant du défunt. Le testament laisse une marge de manoeuvre, mais on ne peut pas non plus tout faire. Loin de là.
Concrètement, chaque personne pourra disposer librement d’une fraction de son patrimoine : la quotité disponible. Celle-ci dépend de la composition familiale du défunt (héritiers réservataires ou non, conjoint survivant, parents…). Si le défunt avait, par exemple, un enfant et pas de conjoint, la quotité disponible correspondra à la moitié de son patrimoine.
On peut en disposer via testament (en léguant, par exemple, l’entièreté de la quotité disponible à un ami) ou avant, en faisant par exemple une donation.
Pour rappel, s’il y a des héritiers réservataires, ils pourront intenter une action en réduction, si le défunt a disposé de plus que la quotité disponible.
Il est très facile de connaître la quotité disponible dans votre cas. Il vous suffit d’appliquer les règles vues dans cet article. Si vous avez par exemple deux enfants et n’êtes pas marié, vous pourrez disposer librement d’un tiers de votre patrimoine. Vos enfants se partageront nécessairement les autres 2/3.
Le fait qu’il y ait un légataire universel (désigné par testament) ne change rien pour les héritiers réservataires : ces derniers ont quand même droit à leur réserve. Le leg pourra porter seulement sur la quotité disponible.
je suis veuve et j'ai deux enfants .Depuis près de 20 ans ma fille avec compagnon qui est père de ses 2 enfants (15 ans et 12 ans) ils me refusent de les voir seuls et ça depuis leur naissance de ce fait j'en souffre pensant à la mort je voudrais que dans testament on soustrait une somme réservataire pour la donner aux enfants, et qu'elle fasse l'objet d'un placement financier disponible pour des études ou plus tard pour construire leur vie. Merci pour votre réponse.
Bonjour,
Vos 2 enfants auront le droit d’obtenir la réserve héréditaire (2/3 de votre patrimoine).
Vous pouvez utiliser la quotité disponible pour vos petits enfants (1/3 de votre patrimoine).
Selon votre âge, vous pouvez aussi ouvrir une assurance vie (qui est hors succession) et désigner vos petits-enfants comme bénéficiaires.